L’atelier de sérigraphie

Mes premières interventions comme enseignant à Vincennes sont dans les discussions sur l’art public conduites par Frank Popper, dans la captation vidéo de personnalités culturelles et scientifiques, dans les projets conduits avec Jean-Claude Moineau d’un « art dans la rue » puis d’une « pratique didactique ». Ces UV (unités de valeur) sont en arts plastiques (mais aussi en cinéma où je suis jusqu’en 1974). Relevant d’un art d’agit-prop, nos activités partagées entre enseignants et étudiants (mais aussi avec le personnel) vont s’orienter vers l’imprimerie associée à la typographie et au dessin.

En 1971-1972, un atelier de sérigraphie est installé sous forme de squat dans le logement inoccupé de la crèche de l’université — elle-même non-officielle mais occupant la maison construite pour cela. Les années suivantes et jusqu’en 1979, l’atelier occupera un espace au sous-sol du bâtiment situé à l’extrémité de l’université, un deuxième restaurant universitaire qui n’ouvrira jamais. Nous nous étions entendus avec le personnel chargé de la maintenance, menuisiers, serruriers, électriciens, qui avaient leur atelier à côté du nôtre.

La sérigraphie est conçue avant tout pour la confection d’affiches. Il faut rappeler que la technique de la sérigraphie à destination de papiers imprimés est alors relativement récente en France. Elle avait été importée pour l’essentiel des États Unis après la guerre, destinée au marquage des objets et des emballages. C’est pour ma part en 1967 et 1968, étant en charge de la mise en place d’un atelier d’imprimerie à la Maison de la culture de Grenoble, qui devait ouvrir en février 1968, que j’abordai cette technique en allant d’une part visiter une société qui imprimait des bouteilles et d’autre part l’imprimerie Noblet, qui occupait une position de pointe en France car elle produisait les affiches de qualité, format 120 x 160 cm, destinées aux importantes activités culturelles de la ville.

Au cours du mouvement de mai 1968, avec un ami dessinateur et étudiant en médecine, je réalisai deux affiches dont l’une reproduisait une photographie prise dans la presse. Voyant les affiches de l’Atelier des Beaux-Arts, je les trouvais trop « à la main », trop « artiste ». C’est pourquoi, à Vincennes, je cherche les moyens pour accéder à la technique de la solarisation des écrans et donc de la confection de typons ou bien à la gouache, ou bien au film inactinique, ou bien photographiques. Nous n’obtenons pas une table à aspiration qui permet une meilleure netteté et un bon repérage, mais nous imprimons souvent des affiches en plusieurs couleurs.

Tout en recherchant la présence du dessin ou de la gravure, nous optons pour des caractères typographiques issus du système Letraset ou même d’une presse typographique Tiflex, tout en les travaillant à l’agrandisseur puisque nous montons aussi un laboratoire de photographie graphique.

Les affiches se doivent, dans nos principes, d’être effectivement et « justement » impliquées dans une action sociale et politique. Une part importante de notre travail consiste à trouver des sujets et des partenaires, tout en gardant la responsabilité de ce qui s’imprime, autrement dit sans laisser l’atelier, sauf exception, à des groupes militants ou propagandistes. Ainsi, notre implication dans le soutien aux résidents des foyers Sonacotra en grève durant plusieurs années se fera essentiellement sur le mode d’équipes mixtes et d’interventions dans l’animation de journées et de fêtes.

J.-L.B.

Voir quelques exemples : http://www.rvdv.net/vincennes/?page_id=1030

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Affiche imprimée (non officiellement) à la Maison de la culture de Grenoble en mai 1968.
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La première affiche réalisée collectivement dans l’atelier, format 60 x 80 cm, 1972.

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Dans l’atelier de sérigraphie, affiche pour le mouvement des résidents de la Sonacotra, 1976. Photo JLB

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Pages de la brochure sur la sérigraphie des établissements Tripette & Renaud, l’un de nos fournisseurs, 1970.