09. Agit-prop pour la grève des foyers Sonacotra 1974-1979

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Foyer Sonacotra de Sainte-Geneviève-des-Bois, 1978, impression d’affiches avec des étudiants et enseignants de Vincennes.

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Champigny, 11 juin 1977, fête de soutien aux résidents Sonacotra, tournage du film qui sera Les Lois de l’hospitalité, Laurence Vidal, Jacques Dubuisson

« En deux mots, c’était quoi cette lutte des Foyers Sonacotra ? »

Ainsi s’ouvre, dans un colloque du Gisti en novembre 2008, l’intervention d’Assane Ba, militant très actif de la grève des loyers des foyers Sonacotra 1974-1979, au cours de laquelle, des étudiants et des enseignants, dans les ateliers de sérigraphie et de linogravure du département Arts plastiques de Vincennes, se lancèrent dans l’agit-prop, pour « populariser » les faits et gestes de cette grève qui sera victorieuse notamment sur les revendications* du droit de visite, du droit de réunion, du droit d’association à l’intérieur des foyers. Assane Ba replace cette action de popularisation, dans le cadre et sous la responsabilité de la Commission culturelle, créée et « dirigée » par le Comité de coordination des résidents des foyers, « regroupement des travailleurs immigrés des foyers, jaloux de son autonomie politique ». Cette Commission culturelle coexistait avec une Commission politique et une Commission technique très active dont Assane Ba était le délégué.

Cette séquence vidéo est extraite de l’intervention d’Assane Ba, Les grèves des foyers Sonacotra, dans ce colloque du GISTI, en 2008.**

Extraits retranscrits de ses propos
En deux mots c’était quoi cette lutte des foyers Sonacotra ? Imaginez donc, 1974-1979, des travailleurs résidents de foyers, modèle type de l’habitat ségrégatif et précaire […] pour mobiliser de la main d’œuvre [travailleurs isolés pour la plupart, dont les familles étaient restées aux pays d’origine, venus d’Algérie, du Maghreb puis d’Afrique sub-saharienne]. Mais la Sonacotra était une société d’économie mixte, […] engagée dans un travail de construction pour loger les travailleurs, dans un bâti un peu plus amélioré, mais aussi avec un encadrement beaucoup plus fort, avec la présence de gérants que nous qualifions de racistes, parce que majoritairement issus de la coloniale, de l’Algérie  et qui avaient pour fonction très précise de contrôler aussi les travailleurs qui étaient dans ces foyers.
1974-1975 : presque 25 000 travailleurs de 50 à 60 foyers dans toute la France, principalement dans la région parisienne, se sont mis en grève des loyers, pour dire non à des loyers qui étaient particulièrement chers, compte tenu des conditions faites, c’est-à-dire en général, une chambre de 9 m2 divisée par deux par une cloison (5,5 m2 pour les chambres les plus grandes à l’époque), un loyer très cher par rapport aux salaires de l’époque, une surveillance, un contrôle systématique, interdiction de visite, pas de droit de réunion, pas de droit d’association, aucune représentation collective pour discuter des conditions de vie, même des augmentations de tarif etc. C’était contre ça que les travailleurs se sont mobilisés pendant cinq ans et ont tenu pendant cinq ans, malgré les difficultés et les répressions successives, à faire connaître ce qu’était la réalité scandaleuse de ce qu’ils vivaient dans les foyers. [3:27]

[Dans ce contexte, Assan replace l’action des associations et des personnes qui ont soutenu la grève, en mettant l’accent  notamment sur le Gisti (Groupe d’Information de Soutien aux Immigrés, créé en 1972) dans le cadre duquel s’inscrit cette courte communication.]
Les revendications du Comité de coordination, car les travailleurs avaient réussi dans ce contexte d’après 68, dans lequel la mobilisation de l’extrême gauche était encore assez forte, à avoir ce comité avec toute une série de soutiens politiques en termes de partis, syndicats, avec beaucoup de tiraillements (bataille entre l’extrême gauche, parti communiste, CGT, etc.)
Il y avait tout le volet soutien demandé aux experts, aux techniciens du droit essentiellement, à ceux qui sur la question du bâti et du logement foyer avaient des compétences et des motivations, notamment les élèves architectes. Il y avait aussi le besoin de décrypter et de faire comprendre à l’opinion publique comment étaient constitués ces tarifs de loyers (5:17)  [il explique très clairement le financement abusif des foyers]…
L’apport d’expertise permettait de donner une justification claire de cette lutte à l’opinion publique (6:17) et a permis à la lutte des foyers de tenir et de résister. [Assane explique l’apport de la Cimade, du Gisti. Dans ce contexte, le Comité de Coordination est  approché par le Gisti pour mettre en place le Comité technique, comité d’experts.]
Le Comité de coordination avait ceci de particulier. Le regroupement des travailleurs immigrés des foyers était jaloux de son autonomie politique et tenait à pouvoir piloter sa lutte dans tous les domaines.

Le Comité de coordination avait trois types de commissions: 1. Une Commission politique qui réglait nos soutiens avec les partis, les syndicats, tâche très difficile. 2. Une Commission culturelle [9:00] qui nous permettait de faire une popularisation de la grève par les images, l’audiovisuel, le film. 3. Le Comité technique. [Il évoque alors, le retour de délégués des foyers, expulsés en Algérie dont le comité avec le Gisti, obtient le retour, et les 20 000 personnes rassemblées à leur arrivée à Orly ainsi que l’obtention de la suspension de la saisie sur salaires.]

Notes

*https://www.youtube.com/watch?v=wWMpPc7E1ps
http://www.vacarme.org/article115.html

** Plate-forme revendicative des grévistes de la Sonacotra

Cette plate-forme lue à haute voix par Anne Zeitz :
son

L’ensemble des foyers Sonacotra en coordination prennent des décisions communes sur chaque point.
— Le Comité de coordination est indépendant de tout parti politique et de toute organisation syndicale.
— Le Comité rejette toute négociation foyer par foyer avec la Sonacotra
— Le Comité rejette toute responsabilité sur le retard dans le paiement des loyers, étant donné que c’est la Sonacotra qui retarde les négociations.
Nous réclamons:
1. La reconnaissance par écrit, du Comité de coordination et des résidents de chaque foyer.
2. Pour tous les foyers Sonacotra, que le tarif actuel des loyers soit réduit de 100 F.
3. Le changement  du règlement intérieur et la reconnaissance par la Sonacotra et par écrit des points suivants:
— droit de visite 24h sur 24, sans différence de sexe
— droit de réunion et libre expression,
— droit de passer des films avec débat libre et autres activités culturelles
— interdiction pour tout individu de pénétrer dans les chambres sans l’accord ou la présence du locataire ou du comité, en cas de problème grave,
— pas d’expulsion de locataire sans l’accord du comité des locataires,
— droit à un panneau d’affichage libre à la disposition des locataires,
— affichage des chambres vides et attribution aux premiers demandeurs,
— assimilation du statut de résident à celui de locataire ou reconnaissance du statut de locataire,
— changement de tous les anciens gérants et remplacement par des concierges,
— le budget d’animation doit être porté à la connaissance des résidents par affichage et doit être géré avec la collaboration du comité des résidents,
— les bénéfices du bar doivent être intégrés dans le budget d’animation.
4. Retour de nos 18 camarades expulsés.
Cette plate-forme revendicative est approuvée à l’unanimité.

Lien : Dans les années 1970, les conditions de vie des travailleurs immigrés en France sont de plus en plus insoutenables. Face à la montée des agressions racistes et à la multiplication de mesures politiques hostiles, le mouvement des travailleurs immigrés s’organise et résiste. Avec Naïma Huber-Yahi Historienne et chercheuse associée à l’Unité de recherche Migrations et société (URMIS) de l’université de Nice Sophia Antipolis et Choukri Hmed Historien et maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/travailleurs-immigres-aux-origines-d-un-combat-politique-2098497

Agit-prop pour la grève des foyers Sonacotra, linogravures et sérigraphies

La contribution des ateliers d’Arts plastiques de Vincennes à la Commission culturelle a conduit notamment à des calendriers, en 1977 et 1978.

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Enseignant de dessin en Arts plastiques, 1975

 

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Le calendrier avec des linogravures,  imprimé en offset, 1977. Portrait de Assane Ba

Omar Habib, résident du foyer de la Noue à Montreuil, membre de la Commission culturelle, qui fut notre principal interlocuteur, disait en 1977 :
« Le calendrier a été fait avec des linos. Il a été établi selon un plan discuté avant sa réalisation avec la Commission culturelle, les dessins ont été sélectionnés par elle. Mais un reproche sur ces calendriers, c’était la couleur du papier, certains résidents ont aimé, d’autres non, c’est la seule critique que l’on peut faire. De toute façon, les 2000 calendriers ont été vendus. Le dessin et le papier, ce n’est pas important, ce qui est important c’est que le calendrier parle de la lutte de la Sonacotra, et c’est la première fois qu’on voit ça. Enfin pour le papier, on a fait le moins cher possible et c’est grâce à l’argent recueilli qu’on a pu envoyer une somme d’argent aux camarades expulsés pour leur retour. »

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Impression d’affiches et de teeshirts en soutien à la grève des résidents des foyers Sonacotra, cour au centre de l’université, 1976

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Pièce jouée par des résidents dans un foyer, 1977